jeudi 14 novembre 2013

Peter Gabriel 4

Au Strapontin, on a toujours été client de Peter Gabriel. Enfin, du moins le Peter Gabriel première période, celui de l’expérimentation sonore, un des premiers bidouilleurs de l’histoire de la pop. Déjà, pour abandonner son groupe en pleine gloire, il fallait en avoir. Puis pour imposer son style avec autant de brio, petit à petit, avec des albums inhabituels (tous titrés simplement « Peter Gabriel », juste histoire de faire un petit peu plus dans l’originalité!).
 
Ma rencontre avec Gabriel date du lycée, à une époque où mes camarades – merci à eux ! – ont considérablement élargi mon horizon musical en me faisant découvrir des bonnes choses dont, entre autres, Genesis. De là date une véritable passion pour ce groupe, que j’ai inlassablement suivi depuis, au gré de ses fortunes diverses et variées. On en reparlera sur le Strapontin. Et donc qui dit Genesis dit forcément, quelque part, Gabriel. J’avais été fortement impressionné par son 3ème album, et je me souviens encore de l’attente fébrile pour le 4, de notre première écoute à la fois surprise et enthousiasmée. Souvenirs, souvenirs! Ca nous rajeunit pas, tout ça!
 
 
 
Il faut dire que Peter Gabriel 4 ou plutôt Security, comme il a été baptisé outre-Atlantique est un album audacieux et culotté. Gabriel y fait ses premiers pas vers la world music, mais réinvente aussi le son. Tout l’album est bourré de trouvailles sonores incongrues, grâce à l’utilisation du Fairlight, qui permettait de synthétiser et de déformer des bruitages. Je me souviens encore d’un doc où on le voyait en train de fracasser des postes de télé pour se créer une bibliothèque d’effets sonores. Résultat, PG4 est un album étourdissant, d’une richesse sonore incroyable, et dans lequel les épopées planantes voisinent avec la pop la plus élaborée.
 
Début des hostilités avec The Rhythm of the Heat, un morceau très atmosphérique, qui relate l'expérience d'un voyageur qui est littéralement possédé par le rythme pendant un cérémonial tribal autour d'un feu. Ca commence par des percussions en boucle, auxquelles viennent s'ajouter des accords sourds et profonds (assez curieusement, ce motif sera repris par le compositeur Jerry Goldsmith dans la partition du film Criminal Law). Puis la batterie entre en scène sur un rythme très appuyé, et petit à petit la tension monte jusqu'à ce que Gabriel hurle un "The rhythm has my soul" déchirant, suivi par un déchaînement de percussion et de batterie.
 
 
 

 
 
Une entrée en matière énorme, que prolonge le morceau suivant San Jacinto, qui nous transporte pendant un rituel indien, avec des orchestrations planantes. On se croit parti pour un trip initiatique, mais Gabriel nous ramène bien vite sur Terre avec I Have The Touch, une chanson sur l'incommunicabilité. Un morceau aux tonalités plus modernes, soutenu par une rythmique implacable et des synthés décalés, mais qui sait pourtant devenir émouvant vers la fin, avec ce "I need contact" qui conclut la chanson.
 
L'autre grand moment du disque, c'est Shock the Monkey, le seul et unique tube qui sera extrait de l'album. A fond dans son trip moderniste, Gabriel signe une chanson maligne, bâtie sur un motif de cinq notes particulièrement entêtant. Il ne faut pas vraiment chercher à décrypter les paroles (le chanteur indiquera qu'il s'agit d'une chanson sur la jalousie), qui ne sont le plus souvent que prétextes à des jeux sur les mots.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le clip, par contre, est une formidable réussite. Réalisé par Brian Grant, il développe une atmosphère angoissante et oppressante et regorge d’idées visuelles toutes plus folles les unes que les autres. En 1982, le chanteur avait déjà compris que la vidéo musicale n’était pas qu’un outil de marketing, mais également un moyen d’expression à part entière.
 
Les autres morceaux peuvent paraître plus sages et moins aventureux (en particulier Kiss of Life, une conclusion mi-figue mi-raisin). On retiendra essentiellement Lay Your Hands on Me, à la batterie cinglante (en concert, le chanteur choisissait cette chanson pour faire du crowd surfing en se jetant dans la foule) et le joli mais anecdotique Wallflower, qui annonce ses chansons plus engagées.
 
 
 
 
 



 
 

 
Security nous montre un Peter Gabriel au mieux de sa forme. Il prolonge les expérimentations du troisième album, leur ajoute un soupçon d’exotisme qui deviendra, comme le montrera la suite de sa carrière, une des sources d’inspiration essentielles du chanteur. Un album foisonnant et unique, parfois difficile d’accès, mais constamment inventif.

 


 
En bonus, la vidéo de Shock the Monkey (merci YouTube!), mais également un lien vers des photos prises pendant les sessions d'enregistrement par Larry Fast, qui jouait des claviers sur l'album.




jeudi 26 septembre 2013

Bruce Springsteen - Born to Run


































 
 
 
 


Sur le Strapontin, on va beaucoup reparler de Bruce Springsteen et de son E Street Band dans les mois qui viennent : nouvel album, nouvelle tournée (on y sera !), ce sera l’occasion pour renouer avec l’un des artistes les plus talentueux et les plus généreux du monde du rock. L’occasion est donc tentante, pour ouvrir les hostilités, de revenir sur Born to Run, sans aucun doute le chef d’œuvre absolu du bonhomme, et accessoirement l’un des plus beaux albums du monde, point barre.
 
 
 
« J’ai vu le futur du rock, et il s’appelle Bruce Springsteen » : rien que ça ! Le journaliste Jon Landau (depuis devenu le producteur du musicien) ne croyait pas si bien dire. A l’écoute de Born to Run, on le comprend un peu, tant l’album forme un tout parfait et inattaquable, qui contient tout ce que le Boss développera dans ses futurs albums : l’amour, la fuite vers une vie meilleure, le quotidien des paumés d’une certaine Amérique. L’album est presque organisé comme un film, même s’il ne s’agît pas vraiment d’un concept album. Le premier morceau, Thunder Road est un véritable manifeste, un peu comme une lettre d’amour que le personnage principal écrit à sa belle, l’incitant à s’évader de cette « ville pleine de losers ». Musicalement, c’est très fort aussi : commencée avec un simple harmonica, la chanson s’étoffe peu à peu avec l’arrivée du piano de l’excellent Roy Bittan, puis de tout le E Street Band, qui reprend l’instrumental de fin comme à la parade. Un grand, un énorme morceau. Tenth Avenue Freeze Out est, par opposition, plus léger et enjoué, alors qu’avec Night, on repart dans la noirceur et l’obscurité.
 
 


La première partie de l’album se clôt sur Backstreets, une épopée où il est question de souvenirs d’enfance. Puis c’est Born to Run, qui est sans nul doute l’une des chansons les plus puissantes et les plus évocatrices de Springsteen. Bâtie sur un riff de guitare meurtrier, c’est là encore une chanson sur la fuite, dont les héros se jurent un amour éternel, sont prêts à s’évader de leur quotidien et sont « nés pour courir ». C’est aussi un des rares morceaux du Boss dans lequel on retrouve intact le punch incroyable de ses prestations scéniques, et c’est bien évidemment l’un des sommets de ses concerts. L’amour, il en est question dans She’s The One, là aussi un des moments forts du disque, plein d’une formidable énergie. Meeting Across the River est peut-être le seul morceau un peu faible, mais en même temps, c’est comme une respiration dans l’album, avant cette pièce maîtresse qu’est Jungleland. Véritable petite épopée qui clôt le disque, ce Jungleland raconte une nuit d’affrontement entre des gangs rivaux. Etalée sur près de 8 minutes, c’est une formidable démonstration d’efficacité du E Street Band, qui brille de toute sa splendeur. Le saxophoniste Clarence Clemons, en particulier, y signe l’un de ses plus beaux morceaux de bravoure.
 
 
 
A aucun moment Born to Run ne sonne comme un disque fabriqué et c’est là sa grande force. Tout le disque respire de cette authenticité profonde qui marquera tous les albums du Boss. Il faudra, c’est sûr, une bonne connaissance de l’anglais pour saisir toute la richesse et la poésie de ce portrait que Springsteen livre de la petite Amérique, celle des laissés pour compte, à travers des paroles d'une richesse formidable. L’album n’est pas non plus une démonstration de virtuosité gratuite. Au contraire, il marque car chaque ingrédient y est parfaitement mis en place, qui plus est avec un brio et une pêche extraordinaire, par des musiciens qui, tout en étant de remarquables pointures, ne sont pas là pour la frime. C’est l’énergie brute de Born to Run, ajoutée à son authenticité, qui en fait un disque unique et inoubliable.




 

 

30 ans déjà !
En général, quand les maisons de disque souhaitent l’anniversaire d’un album, c’est plus pour ramasser quelques pépètes de plus et obliger le fan de base à repasser à la caisse. Mais Springsteen ne fait rien comme tout le monde, c’est bien connu, et la 30th Anniversary Edition de Born to Run est sans doute le plus beau cadeau qu’il pouvait faire à ses fans. Sur le premier disque, on trouve l’album remasterisé, ce qui est déjà pas mal du tout, mais le meilleur se trouve sur les deux autres galettes : tout d’abord un DVD du concert londonien de 1975. D’accord, l’image est pas franchement top, l'accoutrement des musiciens plutôt approximatif (Van Zandt en mac et le Boss avec un bonnet de laine !) et il y a beaucoup de morceaux des 2 premiers albums que personnellement je trouve un peu faibles... Mais quelle présence ! Lorsque le groupe attaque des titres de Born to Run, inutile de dire que ça déboîte grave !
 
 
 
 

Enfin, last but not least, sur le dernier DVD, « Wings for Wheels », une rétrospective passionnante sur l’enregistrement de l’album, qui permet de voir à quel point Springsteen est un perfectionniste et combien chaque élément du disque a été travaillé dans ses moindres détails, pour le résultat fantastique que l'on connait. Il suffit de le voir buter sur les arrangements de la chanson-titre, ou bien toute la section consacrée à l’élaboration de Jungleland et en particulier de sa formidable partie de saxo pour mesurer combien le Boss et son E Street Band ont sué sang et eau sur cet album. Une bien belle édition, qui rend un magnifique hommage à un classique indéboulonnable.

New Order - Le Bataclan - 18 octobre 2011

 
 
Dans la vidéo d’un de leurs derniers tubes, 60 miles an Hour, New Order montre un de ses fans sous la forme d’un gros beauf vêtu d’une peau d’ours et chantant à tue-tête au volant de sa voiture. Mardi soir au Bataclan, les fans anglais n’étaient pas vêtus de peaux de bête, mais étaient tout aussi bourrins (bourrés?).
 
 
 
Petit mot d’explication : New Order n’existe plus depuis plusieurs années, le bassiste Peter Hook ayant jeté l’éponge avec pertes et fracas après un dernier album, Waiting for the Sirens’ Call, décrié par les fans mais que j’avais trouvé plutôt pas mal. Si le groupe remet le couvert des années après, c’est dans un but caritatif, afin de réunir des fonds pour leur ami, le vidéaste Michael Shamberg. Deux concerts exceptionnels, l’un en Belgique, l’autre en France, d’où la présence ici de (trop) nombreux fans anglais.
 
 
 
 
 
 
L’espace d’un instant, je me serais cru à un match de foot ! J’étais encerclé d’olibrius qui sifflaient cannette sur cannette (et pas du coca, je peux le dire) et qui beuglaient à l’attention des musiciens. Bref, s’il y en a qui croyaient encore que les fans de New Order n’étaient pas des blaireaux bedonnants défoncés à la bière, ce soir-là, il y avait largement de quoi les convaincre du contraire !
 
Avant ça, il y a eu l’attente interminable sous la pluie, qui m’a convaincu que le blouson à capuche que je portais pour l’occasion n’était définitivement pas imperméable. Puis, une fois rentré dans la salle au sec, un set de près de 2 h 30 assuré par DJ Tintin (on ne rit pas !). C’est marrant au début, mais ça finit par vous fusiller la tête au bout d’un certain temps.
 
 
 



 
 
 

 
 
 


21 h, New Order entre en scène : c’est Elegy, un instrumental tiré de l’album Low Life. Une belle entrée en matière, planante juste ce qu’il faut. Il y a un écran derrière la scène, sur lequel sont projetés des extraits de clips ou des montages vidéo. Nous sommes assez bien placés, contre les barrières, sur la droite de la scène, juste en face de Gillian Gilbert, qui joue du clavier.
 
Ah, Gillian ! Mes amis buveurs de bière étaient bien contents de la revoir ! Il faut dire qu’elle avait quitté le groupe en 2001 pour se consacrer à sa fille malade. Donc, forcément, ça y allait ! « We love you, Gillian ! », et elle, imperturbable derrière son synthé. Pas un sourire, rien ! Ca changeait pas beaucoup de la dernière fois que je les avais vus, en 1987, sauf qu’entretemps la punkette mimi des années 80 est devenue mère de famille. Forcément, ça faisait un peu bizarre.





 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
066
 
Passée l’intro délicate, le groupe attaque les choses sérieuses avec Crystal, un morceau bâti sur mesure pour la scène. Pourtant, de là où nous sommes, le son n’est pas vraiment top. Les instruments couvrent la voix du chanteur Bernard Sumner, mais le bassiste intérimaire, Tom Chapman, se débrouille plutôt pas mal, même s'il restera beaucoup trop en retrait pendant la majorité du concert. Puis c’est Regret, l’une de leurs meilleures chansons, mais là encore, le son est limite bouillie.
 
Le reste du set est correctement dosé, entre vieux classiques revisités (Love Vigilantes, Age of Consent, Ceremony) et morceaux plus connus. Quelques surprises bienvenues, comme ce 1963, rarement joué en concert. Enfin, le show s’envole réellement avec d’excellentes versions de True Faith et  Bizarre Love Triangle, qui est décidément l’une de leurs plus belles réussites et qui n’a jamais mieux sonné en live. Le groupe embraye sur un Perfect Kiss remarquable, puis achève le public avec Temptation. En fait, les morceaux dance passent beaucoup mieux l'épreuve de la scène que ceux purement rock. Question de balance son, sans doute.
 
 
 
 
 
 


Un petit rappel, avec un Blue Monday un peu foiré par Gillian (un ton trop bas, mais Bernard Sumner vient lui prêter main forte en fin de morceau), puis en guise de conclusion, l’hymne de Joy Division, Love Will Tear Us Apart. Les fans anglais (les autres aussi, d’ailleurs) sont déchainés, et le concert se termine en apothéose.
 
 
Love Will Tear Us Apart
 
 
Bilan : une heure et demie de concert, c’est un peu short, mais bon, New Order ne nous a jamais habitués aux marathons scéniques à la Springsteen. Le son non plus n’était pas à la hauteur, mais ça aussi, ça fait partie des défauts du groupe. On pouvait juste penser qu’en 20 ans, ils auraient un peu progressé sur ce plan, mais non. Malgré l’absence de Peter Hook, ce comeback avait tout de même de la gueule. Maintenant, à savoir si le groupe va continuer comme avant, c’est une autre histoire. Une chose est sure : c’était sans doute une des dernières occasions de pouvoir les revoir en live et ils n’ont pas bâclé leur sortie.

La Setlist:
Elegy
Crystal
Regret
Ceremony
Age of Consent
Love Vigilantes
Krafty
1963
Bizarre Love Triangle
True Faith
586
The Perfect Kiss
Temptation
Rappel:
Blue Monday
Love Will Tear Us Apart

jeudi 8 août 2013

The Fixx - Beautiful Friction

Qui se souvient encore de The Fixx ? Ou mieux, qui en France connait The Fixx ? C'est presque un cas d'école, ce petit groupe new wave british ! Éclos dans les années 80, il a réussi l'exploit de cartonner aux USA, tout en restant littéralement inconnu en Europe, et plus particulièrement dans son pays d'origine. La France aussi les a boudés: au Strapontin, on garde le souvenir d'un concert quasi-confidentiel en 1986, où l'auditoire devait se résumer à une cinquantaine de personnes. Pourtant, ce n'est pas faute de sortir des albums bien fichus, pleins de singles potentiels. Y'a rien à faire, quand ça veut pas, ça veut pas !
 
Aussi, quelle surprise de les voir débarquer avec un nouvel album dans leur musette, près de 10 ans après leur dernier disque. Et il faut avouer que le groupe n'a rien perdu de ce qui faisait son style, puisque ce Beautiful Friction est un retour plutôt bienvenu aux fondamentaux, juste histoire de remettre les pendules à l'heure. C'est qu'entre temps, une autre génération est passée, et leur son, qui évoquait à la fois Simple Minds et U2, s'est quelque peu banalisé au gré des groupes qui se sont multipliés depuis.
 
Justement, ça tombe bien, Anyone Else, qui ouvre l'album, est la meilleure chanson des Killers depuis bien longtemps... avec tout plein de Fixx dedans tout de même, la voix inimitable de Cy Curnin et la guitare fougueuse de Jamie West-Oram. Une formidable entrée en matière, presque trop bonne même, puisque le reste du CD ne parviendra que trop rarement au même niveau. Ceci dit, le reste c'est quand même du Fixx comme on l'aime, entre ballades chaloupées (Beautiful Friction, Just Before Dawn) et rock bien senti (Follow That Cab, Take a Risk). Le retour du bassiste Dan K. Brown, qui avait quitté la formation depuis 1994, n'est sans doute pas étranger à cette tonalité qui évoque avec bonheur les grandes heures du groupe. Si vous désirez vous initier ou si vous les aviez perdus de vue depuis des années, ce Beautiful Friction reste de toute façon un album éminemment recommandable. "Je ne peux qu'être moi-même", chante Cy Curnin, et c'est très bien comme ça.
 
 
En bonus, l'excellent clip de Anyone Else, avec plein de manifestants qui se mettent sur la gueule et de gamins qui courent au ralenti avec des drapeaux !
 
 
 

jeudi 1 août 2013

Snow Patrol - Le Zénith - 7 mars 2012

Called Out in The Dark
 
La France est-elle prête pour Snow Patrol ? C’est la question qu’on pourrait se poser. Je m’explique : en Angleterre, le groupe remplit des salles de la dimension d’un Bercy 3 soirs d’affilée, alors qu’en France, il arrive tout juste à remplir un Zénith. Cherchez l’erreur ! Dans un sens, c’est pas plus mal, car une salle de dimensions modestes vaudra toujours mieux qu’un Stade de France à l’acoustique pourrie. Donc même si on a envie que Snow Patrol touche davantage le grand public (car il le mérite) quelque part on est un peu content d’en profiter dans de bonnes conditions. Cela dit, ce n’est pas parce que la France rechigne à le consacrer que le groupe a bâclé sa prestation, bien au contraire ! Ce dernier concert de la tournée Européenne Fallen Empires a même révélé nos amis irlando-écossais comme un sacré groupe de scène !


Berlin (remix)
J’avais été plutôt réservé sur le dernier album qui, au fil des écoutes successives, se révèle être particulièrement bon. En tout cas, avec suffisamment de matière pour donner lieu à de grands moments en live. Qui plus est, le groupe ayant sorti juste avant son best of, Up to Now, la setlist ressemblait plus à une collection de greatest hits qu’à autre chose. Exit donc les morceaux obscurs ou méconnus, le concert joue la carte de l’efficacité. La mise en scène est au diapason, avec un immense écran LED en fond de scène sur lequel seront projetées des animations, et un light-show véritablement énorme.










Shut Your Eyes
La soirée commence sous les meilleurs auspices avec Ram’s Pocket Radio, qui assure une première partie énergique, originale et réussie. Puis, pile-poil une heure après, Snow Patrol investit la scène au son d’un remix de Berlin, un instrumental du dernier album. Dès le premier morceau, I’ll Never Let Go, un seul mot d’ordre : ça va cartonner ! C’est ça le grand truc du groupe : il attaque tout doux, à la limite de la ballade, puis il sort l’artillerie lourde pour vous achever au détour d’un refrain. Et le fait est que ça marche : Take Back The City, Hands Open, Chocolate … autant de mini-classiques insoupçonnés, qui sont carrément transcendés par l’énergie des musiciens. Les animations mettent intelligemment en contexte l’imagerie de l’aigle, symbole du dernier album, et les effets d’éclairage, aussi divers que variés, vous en mettent plein les mirettes.









Chasing Cars
Le chanteur Gary Lightbody, pourtant handicapé ce soir-là par un rhume, se révèle être un sacré showman, discutant avec le public comme s’il était au pub du coin, et faisant de son mieux pour faire réagir la majorité de culs-de-plomb du Zénith. Car oui, il y avait du boulot, entre le public mou des tribunes et les gugusses de la fosse qui passaient leur temps à commenter le concert en sifflant binouze sur binouze comme s’ils étaient dans leur salon! Le bon Gary ne s’est pas démonté et ses efforts ont été méritoires, avec un ou deux grands moments d’audience participation, avec bras levés et oh-oh-oh-oh ! Run et surtout Chasing Cars ont fait partie de ces instants magiques où le concert était porté par une sorte de grâce.









Fallen Empires
Les morceaux du dernier album tiennent plutôt bien la route en live, et n’ont pas à pâlir face à leurs prédécesseurs. Called Out in the Dark et son beat technoïde rend merveilleusement bien. Quant à Fallen Empires, c’est sans aucun doute le sommet du show : une ambiance apocalyptique, un light-show frénétique sur fond d’animations crépusculaires, et un public conquis qui reprend en chœur les « we are the light »… Le genre de moment d’exception qui vous file la chair de poule ! Après quoi, il suffit au groupe d’attaquer You're All I Have, une de leurs plus belles chansons, pour définitivement emballer le morceau avec des effets de lumière monstrueux. Fin de concert en forme d’apothéose. Un seul petit rappel, avec un des morceaux les moins convaincants du dernier album (Lifening), mais une sortie plus que réussie avec un Just Say Yes qui laisse tout le monde sur le carreau.








 
Au final, on sent le groupe définitivement rodé par son succès outre-Manche : Snow Patrol se balade littéralement sur tous les morceaux de son répertoire avec une aisance réellement impressionnante, mais sait faire place à la chaleur et l’émotion le temps de quelques beaux moments forts. Cela donne un show intense et généreux qui, au-delà de sa grande maîtrise technique et musicale, sait tout de même garder une dimension humaine. Epatant !
  
You're All I Have


La Setlist:
Berlin (remix)
I'll Never Let Go
Take Back The City
Hands Open
This Isn't Everything You Are
Run
Crack The Shutters
In The End
Set The Fire to The Third Bar
The Garden Rules
Make This Go On Forever
Shut Your Eyes
Chasing Cars
Chocolate
Called Out in The Dark
Fallen Empires
You're All I Have
Rappel:
Lifening
Open Your Eyes
Just Say Yes

Snow Patrol - Fallen Empires

Snow Patrol fait partie de ces groupes qui se recommandent fortement de l’héritage de U2 (ils ont d’ailleurs vaillament assuré la première partie du groupe à Bono pour le récent « 360° Tour »), mais qui sont confinés à un anonymat un peu inexplicable dans notre beau pays. Faut dire qu’à l’heure actuelle, la radio n’est plus vraiment au top pour assurer la popularité des artistes qui sortent un tant soit peu du moule. Peut-être que Fallen Empires, leur dernier album, va inverser la tendance, qui sait? C’est en tout cas tout le bien qu’on leur souhaite.

Pourtant, c’était pas faute de pondre des tubes inoxydables, comme l’excellent Chasing Cars. Leurs albums, jusqu’à présent, avaient un peu de mal à me convaincre sur la distance. Les compos étaient bonnes, mais il manquait toujours ce petit plus qui différencie le bon boulot de l’excellence. Pour une chanson vraiment réussie, il fallait s’en cogner tout plein de moyennes.

Aujourd'hui arrive leur nouvel opus, Fallen Empires, et je dois dire que je suis partagé. Les morceaux sont vraiment bons, le groupe arrive à se renouveler avec un son légèrement plus synthétique que par le passé, et il y a une foule de très bonnes choses sur l'album. Le CD tient également bien la route après plusieurs écoutes, je dirais même qu'il se bonifie au fur et à mesure... Alors quoi ? Où est-ce que ça coince ? Ben j'ai juste un petit problème avec les chansons: on dirait qu'il y manque quelque chose, qu'elles sont insuffisamment développées. Je ne sais pas très bien comment définir ça, mais elles ont quelque chose d'inachevé et ont souvent tendance à se reposer sur un refrain béton. Entendons-nous bien: tel quels, des titres comme Called Out in The Dark, Fallen Empires ou The Symphony ont largement de quoi convaincre et séduire. Mais avec un petit chouia de créativité en plus dans les arrangements, on aurait eu là un chef d'oeuvre certifié!

En attendant et malgré ses faiblesses, Fallen Empires reste un album plus que recommandable. Au fil des écoutes, on serait même tenté d'aller voir ce que tout ça donne en concert (ils seront au Zénith de Paris le 7 mars prochain). C'est en tout cas le disque idéal pour tout ceux qui voudraient découvrir ce groupe sympathique, qui gagne définitivement à être connu!

Hep hep hep!!! Ne partez pas! En bonus, la vidéo de Called Out in The Dark:



Rupert Hine - Immunity

A une époque où la technologie musicale permet à peu près tout et n’importe quoi, c’est assez amusant de voir qu’aujourd’hui, bien peu d’artistes profitent de cette liberté créative pour livrer des œuvres qui sortent réellement de l’ordinaire. Pourtant, il y a près de 30 ans, avec le quart du centième des moyens actuels, Rupert Hine réalisait Immunity, qui reste encore à ce jour un album exceptionnel, définitivement en avance sur son temps.
 
Quand on pense producteur reconverti en artiste solo, on pense obligatoirement à Alan Parsons, qui, après avoir produit Pink Floyd, a cartonné quand il s’est décidé à sortir ses propres disques. L’itinéraire de Rupert Hine est beaucoup plus modeste. Producteur d’artistes aussi divers que Tina Turner, Suzanne Vega, Bob Geldof ou Underworld, il a monté son propre groupe, Quantum Jump, avant d’attaquer une carrière en solo au début des années 80. Seulement, là où Parsons se cantonnera à une pop gentillette et inoffensive, Hine jouera les expérimentateurs, dans une approche finalement assez similaire à celle d'un Peter Gabriel.

Cette période est marquée par l’apparition d’une nouvelle génération de synthétiseurs, qui ouvre de nouveaux horizons aux musiciens. Immunity repose donc à fond sur cette nouvelle approche, avec des sons détournés, traités électroniquement, ce que le musicien appelle du sound processing: bruits de circulation transformés en piste rythmique (comme sur Samsara), pistes musicales inversées, bruitages incongrus (Psycho Surrender)… Le disque ne s’interdit aucun délire, et c’est en cela qu’il est novateur. Hine crée un paysage sonore inédit, dans lequel l’auditeur se perd avec bonheur.


L’album pourrait tourner à la démonstration de virtuosité s’il n’était pas soutenu par la richesse des compositions. Les effets ne sont jamais gratuits mais servent au contraire à enrichir des ambiances très diversifiées et souvent envoutantes. Si l’ambiance fait effectivement penser à du Peter Gabriel première mouture, Hine sait cependant se distinguer avec un univers bien à lui, à la fois torturé et vertigineux. Il sait néanmoins rester accessible, comme avec le très popesque morceau éponyme Immunity, sur lequel on trouve Phil Collins en guest star, ou sur Misplaced Love, dans lequel Marianne Faithfull fait une apparition remarquée. Les textes, signés Jeannette Obstoj, sont à l’avenant, avec une certaine distance poétique qui les rend  particulièrement adaptés au ton insolite de la musique.







A l’heure des samples et des séquenceurs, Immunity remet les pendules à l’heure. Cet album pratiquement artisanal, où tout a été fait à la mimine au prix d’un travail phénoménal, respire pourtant la spontanéité et la liberté. Rupert Hine continuera dans cette veine, sur un mode mineur (le Strapontin vous en reparlera), mais en attendant, cet album inclassable et unique en son genre demeure comme l’un des plus novateurs de sa génération.

Le CD:
Longtemps inédit en CD, Immunity a été depuis réédité à deux reprises. Rupert Hine en a profité pour rajouter un inédit (Scratching at Success) et rectifier deux trois petites choses, nottament le mixage de deux chansons, I Think A Man Will Hang Soon et Make a Wish. En effet, la maison de disques lui avait demandé des versions plus soft et lors de la parution du LP. Les mix du CD correspondent à la version initialement voulue par Hine. Enfin, la seconde réédition comporte un nouvel inédit, Introduction to the Menace, soit l’instrumental qui ouvrait les concerts de la tournée liée à l'album.









Enfin, alors que les clips n’étaient pas aussi répandus que maintenant, Rupert Hine sera un des rares à en faire des supports pour sa musique, réalisant même les vidéos de deux titres, Misplaced Love et Surface Tension. A les revoir aujourd'hui, ça prête un peu à sourire car ça a pas mal (beaucoup!) vieilli, mais c'est à découvrir par curiosité.

 

 

mercredi 31 juillet 2013

Bruce Springsteen - Wrecking Ball

 
Quand on est surnommé le Boss et qu’on a signé l’un des plus beaux albums du monde (Born to Run, pour ne pas le citer, d’ailleurs chroniqué ici), il est inévitable de voir sa production contemporaine comparée – souvent défavorablement – aux grands classiques qu’on a signés des années auparavant. Avec Bruce Springsteen, on l’avoue bien humblement, le Strapontin est resté scotché vers la fin des années 70, époque à laquelle le chanteur pouvait aligner des merveilles comme Darkness on the Edge of Town ou The River, des œuvres qui racontaient une certaine Amérique de losers et de paumés. Passée la consécration d’un Born in the USA, c’est un peu une discographie en dents de scie, diversifiée certes, mais dont aucun album ne sort véritablement du lot.

Wrecking Ball, donc, ne déroge pas à la règle. C’est un album carré et efficace, dont la sonorité se situe dans la lignée de ses prédécesseurs. Au niveau des paroles, par contre, le Boss est sans pitié, peignant le portrait d’un pays saigné à mort par les vautours de la finance (Death to my Hometown) mais dont le peuple reste suffisamment vaillant et solidaire pour triompher des pires évènements (We Take Care of Our Own). Musicalement, c’est varié, au risque même de surprendre, avec des sonorités irlandaises, du gospel, des samples, bref pas vraiment le genre de choses auxquelles le Boss nous a habitués. Le fait est que ça passe plutôt bien, même si on n’y trouve pas le grand frisson qui habitait ses grands classiques.

On se souviendra surtout de ce Wrecking Ball comme la dernière performance du Big Man Clarence Clemons, saxophoniste attitré et bras droit du chanteur depuis ses débuts, décédé l’an dernier. L’album propose d’ailleurs Land of Hope and Dreams, un inédit joué sur scène depuis des années, auquel il apporte sa touche inégalable.

Hargneux dans son message, bigarré dans son approche, Wrecking Ball, s’il ne joue pas dans la même cour que les grands classiques du Boss, possède largement de quoi en remontrer à bien des artistes actuels. Bruce reste Bruce et c’est très bien comme ça. Après tout, c’est tout ce qu’on lui demande.
 
... Mais c'est bien connu, Springsteen, c'est avant tout la scène: ça tombe bien, le Strapontin y était! Pour le compte-rendu détaillé, c'est !

Ivy - All Hours

On a failli attendre ! Cinq ans après l’excellent In The Clear, déjà chroniqué ici-même, le groupe Ivy remet le couvert avec All Hours, son nouvel album. Donc, forcément, la question inévitable que tout le monde se pose : ce nouvel opus égale-t’il le sans-faute du précédent ? Eh bien non. Pourtant, c’est pas faute d’avoir bossé et d’avoir essayé de se renouveler. Explication : après avoir écrit très vite des tas de choses dans la foulée du dernier album, le groupe a tout jeté pour utiliser une nouvelle approche. Alors que les disques précédents avaient été composés principalement à la guitare, celui-ci a été travaillé à partir de la rythmique et de textures au synthé.

Ca se sent dès les premières notes de ce All Hours : un ton plus électro, mais malgré tout, ça reste du Ivy pur jus, même s’il y manque la chaleur de ses autres albums. Au rayon des franches réussites, Fascinated , le second single, avec son riff de synthé entêtant et surtout l’excellent World Without You, qui transcende allègrement cette nouvelle formule. Si la tentative de renouvellement est plus qu’appréciable, le fait est qu’on reste encore, à une ou deux exceptions près, en terrain familier. Il faut peut-être un peu de temps à Ivy pour trouver ses marques et maîtriser davantage son approche. Ce qui n’empêche pas All Hours d’être un album très agréable, à défaut d’être réellement innovant.




Bon, il semblerait que le groupe ne soit pas vraiment décidé à venir traîner ses guêtres du côté de la France et qu’une fois de plus, seuls les New-Yorkais pourront aller les applaudir… Allez, pour se consoler, le clip de Fascinated !

mercredi 19 juin 2013

Ivy - In The Clear

On ne parle pas assez d’Ivy, et c’est regrettable. Le groupe fait ce qu’il faut pour, remarquez : peu de tournées (et quand il y en a, jamais à l’extérieur des Etats-Unis), pas de diffusion radio, des albums à la sortie confidentielle… Et pourtant, Ivy fait partie de ces groupes qui gagnent à être connus, et dont la musique, si elle était plus largement diffusée, pourrait séduire pas mal de monde.

A l’heure où j’écris ces lignes, ils viennent de sortir leur dernier album, All Hours, dont le peu que j’ai pu entendre est plus que prometteur. Mais le CD dont le Strapontin va vous entretenir aujourd’hui remonte à près de 6 ans, c’est l’excellent In The Clear. A la base, Ivy, c’est un trio, composé de la française Dominique Durand au chant, et de deux musiciens, Andy Chase et Adam Schlesinger. Le genre, c’est de l’indie pop aux influences multiples, qui vont de The Smiths à New Order, tout en gardant un son très personnel.



La pochette annonce la couleur avec cette photo d’un hublot d’avion. Le premier titre, Nothing But the Sky, est effectivement d’une légèreté aérienne, avec une ambiance éthérée et délicate, appuyée par une partie de guitare un peu plus rythmique. Il donne le ton du disque, à mi-chemin entre la soft pop et la new wave. Mais n’allez pas croire pour autant que cela donne un album soporifique et sans surprise. Bien au contraire, au gré de ses arrangements ciselés et de ses mélodies inspirées, In The Clear est enthousiasmant de bout en bout. Difficile de résister à Corners of Your Mind et à ses guitares entêtantes ou au rythme imperturbable d’un Keep Moving. Et surtout, il y a une véritable perle avec ce Thinking About You, le prototype-même du petit chef d’œuvre pop : riff de synthé « plus Eighties, tu meurs ! », batterie virtuose, guitare à la New Order, c’est un grand moment qui justifie à lui seul l’achat du disque.







On leur pardonnerait presque d’en avoir plombé le clip, tiens! Un hit potentiel avec une vidéo aussi tartignole (des chenilles en images de synthèse !), c’était quasiment du suicide commercial! Mais bon, ne soyons pas trop méchants : avec cet album, Ivy réussit un sans faute en 10 morceaux, c’est suffisamment rare pour être signalé ! Et promis, on se retrouve très vite pour parler de leur petit dernier!


Allez, on ose ? Pour les téméraires, voici la fameuse vidéo de "Thinking About You":

 

Je préfère vous donner des liens vers des choses plus créatives, comme celle de Nothing But The Sky, créée par un amateur:




Et pour se procurer l'album, c'est .

Bruce Springsteen - Wrecking Ball Tour - Paris - 5 juillet 2012

Il est difficile – pour ne pas dire impossible – de parler de Bruce Springsteen sans mentionner ses performances live : des concerts-marathons de 3 heures ou plus, où le public finit sur les rotules après un show monumental. Pas de feux d’artifices, ni d’éclairages sophistiqués ou de mise en scène savante. Non, vous avez juste un groupe d’enfer, le E Street Band, qui vous balance calmement le meilleur de son répertoire, dans des versions bourrées d’énergie et de punch, et qui ne compte pas ses heures. Bref, le Boss sur scène, il faut avoir vu pour comprendre.

Pour le Strapontin, c’était la quatrième fois, après Lyon en 1981, La Courneuve en 1985 et Vincennes en 1988. Longue pause ensuite. Comme je l’ai mentionné dans la chronique de son dernier album, sa production ne m’enthousiasmait pas plus que ça, et il était devenu impossible de le voir ailleurs que dans des stades, ce qui pour moi est le degré zéro du concert : places hors de prix et visibilité approximative. Aussi, la perspective d’un concert à Bercy était finalement plus qu’alléchante. Certes, ce n’était pas l’Olympia ou la Mutualité, mais malgré un sentiment mitigé sur son petit dernier, Wrecking Ball, je m’étais dit qu’il était plus que temps de renouer avec le Boss, d’autant plus que la parution de certains concerts en DVD m’avait bien mis l’eau à la bouche.





Bercy, le 5 juillet dernier, 21 heures : après quelques mesures de La Vie en Rose, le show s’ouvre sur The Ties That Bind, un titre de The River. Puis, histoire de bien enfoncer le clou, une palanquée de vieux morceaux, issus de Born in the USA ou de Darkness. Inutile de dire que ça commence très fort ! Petite pause sur le dernier album, avec un We Take Care of Our Own qui déchaîne carrément le public, et un ou deux titres qui sonnent plutôt bien, en particulier Death to my Hometown et ses échos irlandais. Et ça continue de plus belle avec un détour par les premiers albums, qui personnellement m’ont toujours laissé un peu froid. Ca fait un intermède un peu léger mais les fans hardcore ont certainement dû être comblés. Retour aux choses sérieuses avec un Because The Night furibard et surtout l’excellent She’s The One, un de mes morceaux préférés de Born to Run, délivré dans une version magnifique. Le temps d’un ou deux speed numbers et voilà Waiting on a Sunny Day et son ambiance festive : Bruce nous la joue façon Ecole des Fans en faisant monter une petite fille sur scène pour l’accompagner au chant et faire des glissades !


Et ça continue comme ça pendant 3 heures et 40 minutes ! Oui, vous avez bien lu ! Record battu pour un concert à rallonge, justifié il est vrai par la présence dans le public de la maman du Boss et de sa belle-famille. Mais bon, même sans ça, Springsteen ne vous aurait jamais torché un set à la va-vite, genre à 22 heures tout le monde au lit. Ca m’a toujours épaté, cette incroyable générosité du personnage, qui prend plaisir à faire ce qu’il fait et en donne toujours plus à son public. On ne garde pas le pied au plancher sur des shows comme celui-là si on n’éprouve pas un minimum d’enthousiasme à jouer. C’est le paradoxe d’un artiste qui sait remplir des stades mais vous donnera l’impression de ne jouer rien que pour vous.










Et puis, il ne faut pas oublier le E Street Band, soudé comme jamais et qui se promène littéralement sur son vaste répertoire à un point tel qu’il peut se permettre d’improviser totalement une setlist d’un soir sur l’autre ou même de jouer à la demande des morceaux réclamés par le public. Sur les deux soirs joués à Bercy, on trouve des titres totalement différents, mais toujours piochés parmi les grands classiques ou les perles méconnues. Puisqu’on parle des musiciens, difficile de ne pas mentionner Jake Clemons, le neveu du Big Man, qui assure brillamment, soutenu par une solide section de cuivres. Et Springsteen n’oublie pas son vieux complice, interrompant un Tenth Avenue Freeze-Out endiablé par une projection de photos de Clarence Clemons. Moment formidable et émouvant qui en dit long sur l’humanité et l’authenticité d’un artiste qui ne triche pas avec son public.




« Fatigué ? », lance-t’il à son public avant d’attaquer les traditionnels hymnes de fin de concert. Born to Run et Thunder Road, toujours aussi galvanisants. « Fatigué ? ». Glory Days, pourtant moyen sur disque, mais toujours aussi génial en live. « Fatigué ? » : sur un Dancing in the Dark endiablé, il fait monter sur scène sa fille Jessica. Entre temps, il aura été ranimé par ses musiciens, porté à bout de bras par le public, bref à 62 ans, le Boss a plus que la pêche.








J’avais souvent tendance à dire qu’un concert de Springsteen annulait et remplaçait les précédents. Cette dernière tournée prouve l’incroyable énergie qui habite toujours le Boss, mais aussi l’aisance avec laquelle il joue avec tout son répertoire pour nous fournir une playlist toujours réinventée, mais qui sait rester axée sur les moments-clé de sa carrière. S’il ne refera pas un Born to Run ou un Darkness (et d’ailleurs, est-ce qu’on le lui demande ?), il sait toujours les faire vivre et vibrer au gré d’une sarabande rock formidablement chaleureuse et communicative. Concert de l’année, haut la main ! Il revient quand ?


     La Setlist:
  1. The Ties That Bind
  2. No Surrender
  3. Two Hearts
  4. Downbound Train
  5. Candy's Room
  6. Something in the Night
  7. We Take Care of Our Own
  8. Wrecking Ball
  9. Death to My Hometown
  10. My City of Ruins
  11. Spirit in the Night
  12. Incident on 57th Street
  13. Because the Night
  14. She's the One
  15. Working on the Highway
  16. I'm Goin' Down
  17. Easy Money
  18. Waitin' on a Sunny Day
  19. Apollo Medley
  20. For You
  21. Racing in the Street
  22. The Rising
  23. Out in the Street
  24. Land of Hope and Dreams
Rappel:
  1. We Are Alive
  2. Thunder Road
  3. Born to Run
  4. Glory Days
  5. Seven Nights to Rock
  6. Dancing in the Dark
  7. Tenth Avenue Freeze-Out