jeudi 1 août 2013

Rupert Hine - Immunity

A une époque où la technologie musicale permet à peu près tout et n’importe quoi, c’est assez amusant de voir qu’aujourd’hui, bien peu d’artistes profitent de cette liberté créative pour livrer des œuvres qui sortent réellement de l’ordinaire. Pourtant, il y a près de 30 ans, avec le quart du centième des moyens actuels, Rupert Hine réalisait Immunity, qui reste encore à ce jour un album exceptionnel, définitivement en avance sur son temps.
 
Quand on pense producteur reconverti en artiste solo, on pense obligatoirement à Alan Parsons, qui, après avoir produit Pink Floyd, a cartonné quand il s’est décidé à sortir ses propres disques. L’itinéraire de Rupert Hine est beaucoup plus modeste. Producteur d’artistes aussi divers que Tina Turner, Suzanne Vega, Bob Geldof ou Underworld, il a monté son propre groupe, Quantum Jump, avant d’attaquer une carrière en solo au début des années 80. Seulement, là où Parsons se cantonnera à une pop gentillette et inoffensive, Hine jouera les expérimentateurs, dans une approche finalement assez similaire à celle d'un Peter Gabriel.

Cette période est marquée par l’apparition d’une nouvelle génération de synthétiseurs, qui ouvre de nouveaux horizons aux musiciens. Immunity repose donc à fond sur cette nouvelle approche, avec des sons détournés, traités électroniquement, ce que le musicien appelle du sound processing: bruits de circulation transformés en piste rythmique (comme sur Samsara), pistes musicales inversées, bruitages incongrus (Psycho Surrender)… Le disque ne s’interdit aucun délire, et c’est en cela qu’il est novateur. Hine crée un paysage sonore inédit, dans lequel l’auditeur se perd avec bonheur.


L’album pourrait tourner à la démonstration de virtuosité s’il n’était pas soutenu par la richesse des compositions. Les effets ne sont jamais gratuits mais servent au contraire à enrichir des ambiances très diversifiées et souvent envoutantes. Si l’ambiance fait effectivement penser à du Peter Gabriel première mouture, Hine sait cependant se distinguer avec un univers bien à lui, à la fois torturé et vertigineux. Il sait néanmoins rester accessible, comme avec le très popesque morceau éponyme Immunity, sur lequel on trouve Phil Collins en guest star, ou sur Misplaced Love, dans lequel Marianne Faithfull fait une apparition remarquée. Les textes, signés Jeannette Obstoj, sont à l’avenant, avec une certaine distance poétique qui les rend  particulièrement adaptés au ton insolite de la musique.







A l’heure des samples et des séquenceurs, Immunity remet les pendules à l’heure. Cet album pratiquement artisanal, où tout a été fait à la mimine au prix d’un travail phénoménal, respire pourtant la spontanéité et la liberté. Rupert Hine continuera dans cette veine, sur un mode mineur (le Strapontin vous en reparlera), mais en attendant, cet album inclassable et unique en son genre demeure comme l’un des plus novateurs de sa génération.

Le CD:
Longtemps inédit en CD, Immunity a été depuis réédité à deux reprises. Rupert Hine en a profité pour rajouter un inédit (Scratching at Success) et rectifier deux trois petites choses, nottament le mixage de deux chansons, I Think A Man Will Hang Soon et Make a Wish. En effet, la maison de disques lui avait demandé des versions plus soft et lors de la parution du LP. Les mix du CD correspondent à la version initialement voulue par Hine. Enfin, la seconde réédition comporte un nouvel inédit, Introduction to the Menace, soit l’instrumental qui ouvrait les concerts de la tournée liée à l'album.









Enfin, alors que les clips n’étaient pas aussi répandus que maintenant, Rupert Hine sera un des rares à en faire des supports pour sa musique, réalisant même les vidéos de deux titres, Misplaced Love et Surface Tension. A les revoir aujourd'hui, ça prête un peu à sourire car ça a pas mal (beaucoup!) vieilli, mais c'est à découvrir par curiosité.

 

 

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